Entretien avec l’abbé Eymeric Blanchet: apostolat aux USA

Avez-vous eu quelque appréhension à l’idée d’aller aux USA ?

Bien sûr. Aller vers l’inconnu, bien que ce soit une part inhérente de notre apostolat, est une idée qui n’est pas toujours des plus agréables. Cette appréhension n’a cessé de grandir à mesure que le jour du départ approchait. Celui-ci se dessinait assez terriblement dans mon esprit : tout serait différent, la culture, la nourriture, la langue, la façon de penser, les habitudes, et même jusqu’aux fêtes de l’année. Mais je savais bien que cet inconnu se dissiperait. Mais une fois sur place, cette appréhension a disparu et mon esprit a recouvré la sérénité.

Une seconde appréhension, était celle de la langue. Comment se débrouiller en confession, en catéchisme, dans les sermons, dans les aéroports, finalement, dans toutes les situations de la vie, quand on ne parle pas la même langue ? Il faut le vivre pour s’en faire une idée… et aussi savoir parler avec ses mains, à l’italienne, moyen universel de communication comme vous savez bien.

Arrivé là-bas, vos appréhensions se vérifièrent-elles ?

Saint Paul dit la chose suivante « Avec les Juifs j’ai été comme Juif pour gagner les Juifs » (1 Cor. 9). Nous pourrions ajouter, Français avec les Français, et Américain avec les Américains, n’est-ce pas ? Donc dans la mesure où le prêtre tente de s’intégrer au pays dans lequel il a été envoyé en mission, parce que nous sommes en mission, pour pouvoir sauver un maximum d’âmes, l’appréhension du début disparaît pour faire place à l’esprit de sacrifice. Bien que je connaisse un peu plus de choses qu’à mon arrivée maintenant, il est clair que le changement reste radical.

Pour ce qui est du problème de la langue, j’éprouve toujours des difficultés de compréhension et d’expression. Mais c’est tout à fait normal, bien que non souhaitable, pour tout bon Français qui se respecte ! Mais certainement, jour après jour, cette difficulté finira par disparaître.

La Tradition aux USA est-elle comparable à celle d’ici ?

La foi catholique se greffe sur une nature. Chaque peuple a ses caractéristiques propres, dont il faut tenir compte sans les défigurer. Autrement dit, il faut faire attention à ne pas plaquer notre conception de la Tradition. La Tradition aux USA s’exprime d’une toute autre manière qu’en France : elle reste essentiellement la même, mais elle s’appuie sur des qualités que les Français n’ont pas au même degré, et elle lutte contre des défauts qui sont, de même, différents. Il faut donc faire attention, et bien s’adapter aux circonstances dans lesquelles nous avons à exercer notre apostolat. Le sujet à qui nous voulons donner la grâce est différent, mais l’objet que constitue la grâce, et les moyens pour la transmettre, les sacrements, restent les mêmes. Donc pastoralement il faut s’adapter, et prendre conseil, non seulement de Monseigneur Zendejas, et de l’abbé Brocard mais de tous, fidèles inclus.

Quelles responsabilités vous a confiées Mgr Zendejas ?

Monseigneur organise tout l’apostolat. Celui-ci est organisé en trois centres principaux. Un situé à la frontière du Connecticut et de l’état de New-York, un autre à Houston (Texas), et enfin le troisième au Kansas. Monsieur l’abbé Brocard s’occupe de celui du Kansas, et y réside de manière permanente. Je suis de mon côté, envoyé régulièrement du Connecticut à Houston (4 heures de vol à peu près). Là-bas, j’administre les sacrements aux malades, je vais commencer à donner des leçons de catéchisme, la messe, les confessions, les visites chez les fidèles… Tout un apostolat de curé de paroisse finalement, avec des distances qui dépassent quelquefois celles du diocèse, petite différence (3 heures et demie de route pour donner une Extrême Onction, par exemple). Je viens à peu près tous les week-ends à Houston, car je mène une vie de communauté avec Monseigneur dans le Connecticut. Là-bas, il y a une petite école, où progressivement je donne de plus en plus de cours de catéchisme. Pour conclure, j’ai un très riche apostolat, très diversifié et bien encadré. J’en suis à la fois très content, et très reconnaissant vis-à-vis de mon supérieur.

Les Américains vous ont-ils bien reçu ?

Absolument. J’ai été très touché de l’accueil chaleureux avec lequel j’ai été reçu, non seulement à Houston, mais aussi au Connecticut et au Kansas. Tout départ implique une séparation, et bien qu’elle fut douloureuse, il faut dire que la compensation était de taille. Vraiment je les remercie.