Chapelle de Chennai

Un mois en Inde (été 2022)

Chers confrères, chers amis,

Voici à votre demande quelques nouvelles de mon voyage en Inde. J’y étais quasiment tout le mois d’août, après avoir visité deux de nos confrères de langue allemande, les abbés Bruwhiler à Saint-Gall, et Fuchs en Autriche.

En contact depuis un certain temps déjà avec l’abbé Valan, qui a aidé à plusieurs reprises le séminaire, j’avais donc été invité fin juin par ce confrère, que l’épisode covidiste avait isolé pendant un an et demi environ…

Nos confrères de la Compagnie de Marie ont établi leur prieuré indien non loin de Chennai (Madras), dans le sud-est du pays, dans l’état du Tamil Nadu. 70 km, demandant bien une heure et demie pour les parcourir, nous séparent donc de cette ville où est mort l’apôtre saint Thomas, et qui possède son tombeau. Le prieuré est établi dans un petit village dont l’église paroissiale a été rendue au culte traditionnel, construite par les missionnaires français. L’essentiel de l’apostolat en semaine se passe donc au prieuré, avec messe quotidienne au village, catéchisme certains jours en soirée ; la messe est célébrée dès 6 :00, alors que le soleil se lève, pour permettre à la trentaine de fidèles qui y assistent de pouvoir ensuite aller travailler aux champs ; mais c’est bien avant que se rassemblent certain fidèles, la messe étant invariablement précédée du chapelet et d’autres prières complémentaires ; le dimanche, il y a une centaine de fidèles qui vocifèrent de tout leur cœur un kyriale à la mélodie quelque peu adaptée… Le prieuré, construit par l’abbé Valan, accueille aussi quelques personnes âgées. Toute cette dernière année, l’abbé était assisté par un séminariste, qui faute de pouvoir obtenir un visa pour les Philippines, a commencé sa formation en Inde même.

Chaque dimanche, la messe est assurée à Chennai, dans une belle chapelle en ville, située à deux ou trois cent mètres de « Little Mount », la « petite montagne » où saint Thomas, réfugié dans une grotte, a été blessé mortellement avant de mourir sur « Big Mount », à une heure à pied environ. Il y a environ une centaine de fidèles à Chennai même, qui, depuis 2013, ont la messe chaque dimanche et certains jours de semaines, ainsi que le catéchisme hebdomadaire.

Outre Chennai, les prêtres desservent le dimanche les fidèles dans la grande capitale catholique de l’Inde, Goa, ancienne colonie portugaise (côte ouest). J’y étais pour les 14-15 août, desservant deux groupes de fidèles. Dans ce pays dominé par le paganisme, Goa fut une oasis de civilisation catholique, considérablement atténuée hélas, mais encore bien visible dans son architecture par les nombreux couvents ou églises, ainsi que les croix dans les rues… Le ciel doit encore avoir des visées sur la ville : alors que les Portugais s’apprêtaient à quitter la ville assiégée par l’armée de la République indienne, les soldats portugais ne purent emporter la chasse de saint François Xavier, qui resta miraculeusement rivé à l’autel de la basilique où il est exposé…

Toujours le 15 août, je me suis rendu à Bangalore, à mi-chemin entre Goa et Chennai. Nos confrères y desservent un petit groupe d’une bonne vingtaine de fidèles, fort bien organisés, qui n’ont pas la chance d’avoir ordinairement le dimanche, mais seulement certains samedis…

Après ces voyages en avion, j’ai pu expérimenter les routes  indiennes, pour descendre, conduit par un fidèle, dans le Kerala, dans le sud-ouest du pays. Le Kerala est vraiment la région chrétienne du pays : beaucoup d’églises sont visibles, des communautés religieuses assez nombreuses, on peut même y manger du bœuf, c’est dire que la pression hindoue s’y relâche ! Malheureusement, la dénatalité des chrétiens laisse le champ libre à la galopante implantation musulmane, largement financée en sous-main par des pays du Golfe et l’argent de certains réseaux indo-pakistanais… Les chrétiens y sont majoritairement de rite oriental. Plusieurs fidèles sont  du rite malabar, le rite des premiers chrétiens d’Inde, mais se tournent vers nous car l’Eglise malabare, sous couvert de traductions liturgiques ou de retour à une plus grande tradition liturgique, n’est pas épargnée par la crise universelle de l’Eglise. L’Eglise demande ordinairement que l’on donne des missionnaires de leur rite à ces fidèles, mais l’insuffisance de nos moyens humains et d’autres facteurs pratiques ne nous le permettront pas de sitôt, malheureusement. Lors de cette visite au Kerala, j’ai également eu l’occasion de visiter une communauté religieuse de rite malabar, qui tout en étant encore dans les structures officielles, est tout à fait édifiante par son souci de fidélité à la règle, aux traditions de l’Eglise… J’y ai d’ailleurs entendu bon nombre de témoignages édifiants sur la piété et la foi de ces chrétiens, récitant quotidiennement en famille le chapelet, parfois une partie de l’office divin, portant le scapulaire, etc. et dont la foi simple reste en général imperméable aux élucubrations modernistes du clergé…

Les prêtres indiens desservent également quelques groupes de moindre importance que je n’ai pas visité, ainsi que le groupe de Bombay, par lequel j’ai achevé mon périple : une bonne soixantaine de fidèles dont une partie de fidèles de l’ancien prieuré de la Fraternité dans lequel avait été posté l’abbé Chazal. La plupart du temps, une heure et demie de confessions précédaient la messe, du moins dans les villes, où les fidèles maîtrisent bien l’anglais, et la messe était suivie de bénédictions de nombreux objets de piété. Dans le village du prieuré, ce furent maisons, champs et bétail dont la bénédiction me fit tourner dans tout le village.

La veille de mon départ, nous avons eu la joie de retrouver l’abbé Suneel, autre prêtre indien, ordonné par Mgr Faure en 2015. Celui-ci était en Australie lorsqu’ont été imposés les confinements, et y était donc resté depuis lors, assurant avec l’abbé MacDonald les sacrements pour nos fidèles de ce pays. L’abbé Valan avait donc dû rester seul en Inde pendant près d’un et demie, avant qu’il puisse  nouveau être visité en mai dernier. Ce que j’ai vu, et plus encore ce que de nombreux fidèles m’ont raconté, m’ont vraiment édifié sur le courage avec lequel ce pasteur a pris soin de ses brebis éparpillées dans cet immense pays, face à des restrictions bien plus sévères qu’en France. Sa constance et son zèle ont maintenu la plupart des missions dans l’épreuve. Son apostolat ne s’arrête d’ailleurs pas là, puisqu’il édite également pas mal d’ouvrages pour nourrir la foi et la piété de ses fidèles. Si l’aide financière est toujours la bienvenue, la principale difficulté dans l’apostolat est un manque de moyens humains, et prêtres et fidèles prient et espèrent bien de nouvelles vocations ainsi que l’aide de prêtres étrangers…

Fasse le ciel que cette collaboration entre nos deux sociétés se reproduise régulièrement pour que nous entraidions pour le combat de la Foi !

Abbé P. Rousseau +

Source: Avec l’aide de saint Joseph